Engagement chrétien et militaire : foi et devoir jusqu’au sacrifice

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Il y a dans le christianisme une apparente contradiction avec l’engagement militaire : le chrétien est invité à l’amour. L’engagement militaire peut amener à supprimer la vie. Alors donc, la foi est-elle compatible avec la mission militaire ? Est-il possible de le réconcilier ? Est-il même possible d’envisager une complémentarité ?

Arnaud Beltrame était militaire avant d’être chrétien. Mais converti à l’âge adulte, sa foi l’a amené à exercer son devoir de gendarme jusqu’à devenir un héros. Décryptons comment les engagements chrétiens et militaires peuvent se nourrir et comment la foi chrétienne influence des figures militaires.

Un engagement double, spirituel et militaire

La compatibilité entre le service militaire et la foi chrétienne est un sujet qui a traversé les siècles. Il suscite des débats mais aussi de nombreux témoignages de cohérence entre l’engagement du soldat et la foi, au service du bien commun.

Une mission au service du bien commun

L’Église catholique reconnaît la légitimité du service militaire lorsqu’il est exercé pour la défense du bien commun et la protection des innocents. Le Catéchisme de l’Église catholique (CEC 2308-2309) affirme que les États ont le droit de se défendre et que les soldats, s’ils respectent la justice et la moralité, peuvent remplir leur devoir en conscience.

Le témoignage de nombreux saints et figures chrétiennes

L’histoire est riche de soldats ayant concilié leur devoir militaire avec leur engagement chrétien. Parmi eux :

Saint Martin de Tours, d’abord soldat romain, qui a ensuite choisi la vie monastique après avoir refusé de combattre par fidélité à l’Évangile.

Saint Sébastien, officier romain et martyr, qui a aidé les chrétiens persécutés tout en servant dans l’armée.

Saint Martin de Tours

Un cadre moral strict pour l’action militaire

L’Église pose des critères éthiques clairs pour l’usage de la force :

  1. La guerre ne peut être que défensive et en dernier recours (concept de guerre juste selon Saint Augustin et Saint Thomas d’Aquin).
  2. Le respect du droit international et des non-combattants est impératif.
  3. Un soldat chrétien doit garder un cœur droit, sans haine, et voir son engagement comme un service et non une quête de violence.

La vocation militaire comme service chrétien et don de soi

Le métier des armes, notamment de gendarme, peut être vu comme un prolongement de l’idéal chrétien du sacrifice et du service des autres. Jésus lui-même a loué la foi du centurion romain (Matthieu 8, 5-13) sans remettre en cause son rôle. Aujourd’hui encore, de nombreux militaires chrétiens vivent leur engagement dans un esprit de protection des plus faibles.

Les défis spirituels et la nécessité d’un accompagnement

Servir dans l’armée ou la police confronte à des épreuves morales, notamment face à la violence et aux dilemmes éthiques. C’est pourquoi l’accompagnement spirituel est essentiel, notamment à travers les aumôneries militaires, qui offrent soutien et discernement.

En résumé, l’engagement militaire est compatible avec la foi chrétienne lorsqu’il est exercé avec droiture, dans un esprit de service et en respectant la morale des Evangiles. Il peut même être un chemin de sanctification pour ceux qui y voient une mission de protection et de paix, comme ce fut le cas pour Arnaud Beltrame.

Arnaud Beltrame : un héros militaire et chrétien au service de la France

Son épouse Marielle disait que son geste avait été « le geste d’un militaire et d’un chrétien ». Si Arnaud Beltrame s’est converti après le début de son engagement militaire, sa foi l’a certainement rendu encore meilleur gendarme et est un élément constitutif de la décision de se substituer à Julie pour la sauver.

Arnaud Beltrame avait dans cette décision un sens du devoir absolu : il a donné sa vie pour sauver une otage, un geste qui rappelle le verset de la Bible “Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis” (Jean 15,13).

Arnaud Beltrame était influencé par des figures chrétiennes comme Charles de Foucauld, son engagement spirituel était profond. Dans ses citations spirituelles, on peut notamment lire : « A toutes les forces du Ciel : j’ai perdu une bataille mais je n’ai pas perdu la guerre… Rien n’est perdu car il s’agit d’une guerre globale, intérieure et extérieure [ Avec cette victoire spirituelle] je retrouverai mon équilibre, ma vraie place, libéré et au service de Dieu pour le bien de la France !… » (12 août 2015).

D’autres figures de militaires chrétiens ayant marqué l’Histoire

Charles de Foucauld (1858-1916) – Soldat devenu saint

Charles de Foucauld incarne un parcours unique où engagement militaire et don chrétien se rejoignent. Officier de l’armée française, il mène d’abord une vie mondaine avant qu’une mission au Maroc ne réveille en lui une soif spirituelle. Sa conversion le pousse à quitter l’armée pour se consacrer entièrement à Dieu, inspiré par l’Évangile et la simplicité de vie du Christ. Sa formation militaire façonne sa discipline et son courage, qu’il met au service des plus démunis dans le désert algérien. Il meurt assassiné en 1916 par des pillards, symbole d’un engagement total pour Dieu et les hommes. Béatifié, puis canonisé, il illustre comment l’obéissance et le dépassement de soi peuvent mener à la sainteté.

Louis-Gaston de Sonis (1825-1887) – Général catholique et héros de guerre

Louis-Gaston de Sonis incarne l’union entre engagement militaire et chrétien, foi profonde et quête de sainteté. Général de l’armée française, il se distingue par son courage lors de la bataille de Loigny en 1870, où, blessé gravement, il reste fidèle à son devoir et à sa foi. Sa piété influence toute sa carrière, guidant ses décisions et son sens du sacrifice. Malgré l’amputation de sa jambe, il demeure un modèle d’humilité et de résilience, trouvant dans l’épreuve une occasion de se rapprocher de Dieu. Son engagement illustre comment la vocation militaire peut être un chemin de service et de sanctification.

Maximilien Kolbe (1894-1941) – Martyr chrétien, soldat du Christ

Maximilien Kolbe incarne un engagement total où foi, sacrifice et héroïsme se rejoignent. Moine franciscain animé d’un profond amour pour la Vierge Marie, il met sa vie au service de l’Évangile. En 1918, après l’indépendance, il suit une brève formation militaire avec d’autres jeunes séminaristes pour défendre la nation renaissante. Bien que non soldat actif, il a toujours eu un esprit de combat, mais dans le domaine spirituel. Il voyait la foi comme une bataille contre le mal. Il fonda la Milice de l’Immaculée, une organisation visant à convertir les âmes par la prière et l’action missionnaire.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est arrêté par les nazis. Il est envoyé à Auschwitz, où il manifeste une force spirituelle inébranlable. Son engagement atteint son sommet lorsqu’il offre sa vie pour sauver un père de famille condamné à mort. Canonisé, il témoigne d’une sainteté forgée dans le don de soi, arme de lumière face à la barbarie.


Pour aller plus loin:

Face à la décision militaire, les questions des officiers chrétiens

Padre – Mémoires d’un aumônier militaire

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