Arnaud Beltrame, la vigne et le sarment
Ce n’est qu’aujourd’hui le 20 octobre 2024 que nous découvrons cet hommage à Arnaud Beltrame rédigé le 26 mars 2018 par Nathan Devers sur le blog « La Règle du Jeu« . Sa plume est si belle que nous ne pouvons pas nous empêcher de vous le suggérer en lecture. Il n’a pas perdu une ride malgré les 6 ans passés depuis l’attentat de Trèbes et Carcassone.
Nathan Devers est normalien, agrégé de philosophie, et éditeur de la revue La Règle du jeu. Il est l’auteur de Généalogie de la religion (Le Cerf, 2019), et de deux romans : Ciel et terre (Flammarion, 2020) et Espace fumeur (Grasset, 2021).
Arnaud Beltrame, la vigne et le sarment
Nous nous permettons également de citer trois extraits admirables.
« Le plus significatif, ce qui m’a, personnellement, le plus marqué, ou ce qui, dans la situation, relève de l’ahurissant, c’est que le terroriste, premier spectateur de la bravoure d’Arnaud Beltrame, témoin direct de la manière dont, malgré son mariage à venir, malgré sa compagne, malgré tout ce qui le rattachait à la vie, il pénétra dans le supermarché pour sauver une inconnue, observateur inévitable de la supériorité d’âme, de l’esprit d’abnégation, du patriotisme immaculé du gendarme qui lui faisait face — c’est que le terroriste, disais-je, au lieu de vaciller dans son élan devant tant d’héroïsme, au lieu d’être saisi d’un éclair de respect, au lieu de s’étonner du visage de la France que l’élévation d’Arnaud Beltrame donnait à voir, ne s’est acharné que davantage sur l’homme qui lui faisait face, répondant à la grandeur de son prochain par un excès de sa propre misère. »
« Chrétien, puis-je du moins affirmer, Arnaud Beltrame l’était. J’ai cru comprendre, plus encore, que l’amour de la France et celui du Christ étaient, en lui, les deux échos, parallèles et, pour le coup, euphoniques, qui lui dictaient, en chœur, sa vérité. Qui façonnaient, en son âme, une certaine idée de la droiture. Qui dressaient, entre ses proches et sa personne, une échelle passant toujours du singulier à l’universel, et de l’universel au singulier. »
« Dans cette organicité universelle, où le meurtre ne trace plus les méandres des sentiers menant vers le divin, dans ce lien indéfectible où le sacrifice ne partage rien en commun avec le martyr semeur de mort, où l’homme juste imite en Dieu, non sa capacité d’arracher aux humains leur souffle de vie, mais son acharnement à maintenir la vigne, dans cette identité de l’amour et du devoir, se dresse en réalité une parole de force : non celle des minables venant s’acheter une virilité en poignardant des civils après avoir fumé des joints, mais celle d’un Arnaud Beltrame et de tant d’autres. Celle de ceux qui, comme le Christ selon Saint Jean, sont venus, non pour juger le monde, mais pour le sauver. »
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