Plaidoirie de Maître de Beauregard : « On ne devient pas Arnaud Beltrame par hasard »

Last modified date

Maître Henri de Beauregard

Le 19 février 2024 au Palais de Justice de Paris, par Maître Henri de Beauregard, avocate de Julie Grand, l’otage sauvée par le colonel Arnaud Beltrame

« Alors qu’aucun nom n’est sorti, des deux côtés la même conviction.Pour les proches de Lakdim, ça ne fait pas de doute : le terroriste, c’est lui. Pour la famille et les collègues d’Arnaud Beltrame, ça n’en fait pas davantage : le gendarme qui s’est proposé, c’est lui.

Ce procès fut une plongée terrifiante dans une citée comme il en est hélas tant d’autres, ou l’islamisme prospère sur les trafics et l’indigence culturelle, ces endroits où l’on visionne des vidéos de décapitation entre deux joints et un selfie Snapchat à filtre chien.

Ce n’est pas le moins inquiétant des symboles que cet islamisme assassin ait pris naissance au cœur d’une cité qui porte le nom de Frederic Ozanam, penseur Chrétien qui consacra son existence à concilier la foi et la raison.

Quand les victimes n’ont pas les moyens de se soigner, elles découvrent que les accusés ont PAIRS pour les écouter, la mission locale pour les occuper, des psychologues pour les aider, des assistants sociaux pour les accompagner. Ce déséquilibre est une honte collective.

Quand il est question d’islamisme radical, rien n’est anodin, jamais. L’effet papillon est partout. Une ambiguïté en préfecture, une faille aux renseignements, une complaisance au quartier, c’est une exécution et un égorgement au Super U.

Tous vous êtes entrés dans cette salle et vous êtes assis. Julie, elle, a regardé derrière la porte puis a contrôlé à droite et à gauche, cherché les fenêtres, identifié la sortie, repéré une cache, s’est retournée une dernière fois, puis s’est assise. Partout. Tout le temps.

Vertige d’une chute interminable, l’irascibilité, la séparation, la peur des transports, la dépression, les nuits sans sommeil, le blanc des plafonds, le noir des intentions. Et ce labyrinthe de la pensée qui mène perpétuellement à ce petit bureau aveugle du Super U.

Alors qu’il sauvait son corps, Arnaud a aussi ouvert son âme à la foi qui la soutient aujourd’hui. Une foi à des années-lumière des délires de Lakdim. Une foi qui prolonge la raison sans jamais s’en affranchir, qui cherche, doute, et apaise, en un Dieu qui aime et relève.

Julie sort aussi de ce procès avec une conviction : où l’homme met de l’abjection, il se trouvera toujours un autre homme pour mettre un surcroit de dignité ; où l’homme développe un génie de cruauté, il se trouvera d’autres hommes pour développer des trésors d’humanité.

On ne devient pas Arnaud Beltrame par hasard, un soir de mars. On seconstruit : on forge son caractère, on aiguise son âme, on apprend à aimer le grand et se préserver du médiocre. C’est à ce prix que l’on est prêt quand l’héroïsme appelle entre les rayons d’un supermarché.

Sens de l’honneur, prix de la parole donnée, exigence morale, goût du service, force d’âme… rendre hommage à Arnaud Beltrame, c’est aussi savoir dire les valeurs qui font les hommes de cette trempe, mais que l’époque aime tant couvrir de ses ricanements.

Ce « Vos gueules les gars, reculez, je prends », est comme un bras d’honneur à nos lâchetés collectives et au relativisme de l’époque, une manière de s’élever contre l’idée que l’on peut enfermer l’héroïsme dans des procédures.

Avec Arnaud, debout, Avec Julie, sauve, c’est un peu de nous tous qui sommes débout et saufs. A travers eux, le combat contre l’islamisme et la médiocrité qui le nourrit s’incarne : il devient une lutte personnelle, culturelle, intellectuelle, spirituelle.

Parce que face à cette menace, « on ne peut pas continuer à vivre de frigidaires, de bilans comptables et de mots croisés » selon le mot de St Exupéry.

Tant qu’il restera des Spencer dans le Thalys, des Henri à Annecy, et des Arnaud à Trèbes, la barbarie ne l’emportera pas.

« Là où Arnaud a gagné, c’est par les places, les rues qui portent son nom et les centaines de vocations qui demain sauveront des vies à leur tour » disait son frère. Il avait raison : le monde a déjà oublié le nom de Lakdim. Il connait pour toujours celui de Beltrame.

Au petit cimetière où elle est allée revoir Arnaud, Julie a vu tout un pays. Plaques, fleurs, dessins, et peluches. Nul ne sait décrire ce qui a poussé ces gens à les mettre là, mais chacun sent confusément qu’il y a là un peu de ce qui fait de nous des hommes.

Au cours de cette audience aussi, un regard échangé, un bras qui passe pardessus une épaule, des mains qui se serrent, un mouchoir que l’on tend, mille gestes minuscules qui rendent l’humanité présente au milieu du rituel judiciaire et sont autant de signes d’espoir.

Elle l’a dit à celui qui la menaçait : Julie n’était pas prête à mourir avec lui ce 28 mars. Elle avait raison.

Désormais elle attend, victime sans illusions, mais pas sans Espérance. »

Share

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Post comment